I/ DROIT BANCAIRE

1) Soutien abusif: Etendue de la sanction:

Cass com 08/06/2010 n°09-14.140
Cass. Com. 6/07/2010 (3 espèces n° 09-15.253, 09-67.351, 09-69.053)

Solution désormais classique:

L'établissement de crédit qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de réparer que l'insuffisance d'actif qu'il a contribué à créer.

2) Assurance vie et responsabilité de la banque courtier en assurance-vie:


Cour d'appel Nîmes Chambre civile 1, section B 22 Février 2011 N° 09/02419

M. Philippe C. a, par l'intermédiaire de la SA BNP Paribas dont il était client depuis de nombreuses années, souscrit un contrat intitulé « natio vie multi horizons » au mois de février 2000, placement de type spéculatif auprès de la société Natio vie.

Ayant constaté une perte importante de son capital au cours du mois de juin 2002 et en l'état de sa vaine demande de renonciation suivant courrier adressé à la banque le 19 juin 2003, M. Philippe C. a fait assigner la SA BNP Paribas et la SA Cardiff assurance-vie venant aux droits de la SA Natio vie, aux fins principalement de les voir condamnées à lui restituer la somme les sommes déposées avec intérêts, et à lui verser des dommages-intérêts, en se prévalant notamment de la violation de leurs obligations respectives d'information et de conseil.


Par jugement du 27 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Toulon a débouté M. Philippe C. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à la BNP Paribas et à la société Cardiff assurance-vie, chacune, la somme de 1000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.

M. Philippe C. a interjeté appel.
Il fait essentiellement valoir qu'il n'a pas été informé que le contrat souscrit a été géré en 'unités de compte' et non selon l'option 'capitalisation' et que le courrier du 19 juin 2003 doit s'analyser en une demande de renonciation au contrat.

Il soutient notamment que la société BNP Paribas a la qualité de mandataire réel voire apparent de la société Natio vie et qu'elles ont commis des fautes tenant au défaut de remise de la note d'information au moment de la souscription du contrat, au défaut de conseil au regard des caractères abscons et contradictoires des documents contractuels et au défaut d'information au visa des articles L.533'11 et suivants du code monétaire et financier.

Sur ce la cour relève:
Sur la demande fondée sur la faculté de renonciation au contrat

Il s'agit de l'application des dispositions de l'article L.132 ' 5 ' 1 du code des assurances.

Selon le premier alinéa de ce texte dans sa rédaction applicable au litige, toute personne physique qui a signé une proposition d'assurance ou un contrat a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de 30 jours à compter du premier versement.

Selon le deuxième alinéa de ce texte dont se prévaut l'appelant, le défaut de remise des documents et informations énumérées au même alinéa entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au premier alinéa jusqu'au 30e jour suivant la date de la remise effective de ces documents.

L'exercice de cette faculté suppose toutefois que le contrat soit toujours en vigueur.

Il est constant en l'état des écritures concordantes des parties que le 18 février 2000 M. Chemla a signé la proposition de contrat d'assurance-vie et qu'il a sollicité par courrier du 19 juin 2003 la renégociation du placement et la garantie du capital.

A supposer que ce courrier puisse s'analyser en une demande de renonciation, il ressort que le rachat total de son contrat a été effectué conformément à sa demande, la banque précisant que ce rachat met fin au contrat.

La mise en oeuvre du droit de renonciation qui vise à anéantir le contrat et obtenir la restitution des sommes initialement versées est devenue impossible dans la mesure où, par une demande antérieure, l'assuré a sollicité de l'assureur le paiement de la valeur de rachat contractuellement fixée.

En sollicitant le rachat total et la clôture de son contrat, M. C. a mis fin à ce dernier de sorte qu'il n'existe plus et que cette demande a privé de tout effet la faculté de renonciation exercée antérieurement et ne lui permet pas davantage de l'exercer postérieurement .

Sur la demande fondée sur la responsabilité contractuelle:

Il est fait grief à l'assureur et au banquier d'avoir manqué à leurs obligations contractuelles au visa de l' article 1147 du code civil ce qui nécessite d'examiner successivement les obligations de chacun, étant rappelé que la mise en oeuvre de leur responsabilité nécessite la démonstration non seulement d'une faute mais également d'un préjudice en lien avec cette faute.

M. C. fonde son action en responsabilité civile précontractuelle contre la société Cardiff assurances vie en sa qualité de mandante de la société BNP Paribas dans l'opération d'assurance litigieuse.

La SA Cardiff oppose à bon droit que la SA BNP Paribas a agi en qualité de courtier conformément aux dispositions de l'article 1er des dispositions générales valant note d'information c'est-à-dire en qualité de mandataire de l'assuré et non de l'assureur.

Il appartient à l'appelant pour rechercher la responsabilité de l'assureur de caractériser l'existence d'un mandat donné par lui au courtier.

M. C. se prévaut vainement de la théorie du mandat apparent pour soutenir que la société BNP Paribas était mandataire de la société Cardiff assurances vie.

Il doit être rappelé que si une personne peut être engagée sur le fondement du mandat apparent, c'est à la condition que la croyance du tiers au pouvoir du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier ledit pouvoir.

La seule remise du bulletin d'adhésion par l'assureur au courtier n'est pas à elle seule constitutive d'un mandat de souscription de gestion.

Il n'existe aucun autre élément permettant de faire apparaître la société BNP Paribas comme le mandataire de la société Cardiff assurances, étant relevé qu'aucune remise de fonds n'a été effectuée au profit de l'assureur de sorte qu'il n'existe aucun engagement susceptible d'autoriser M. C. à croire à l'existence d'un mandat.

La BNP Paribas n'étant pas le mandataire de l'assureur, ce dernier ne peut se voir opposer les dispositions de l'article L.511 ' 1 du code des assurances dans leur rédaction applicable au litige.

Sont par la suite inopérant les griefs relatifs aux obligations contractuelles de la société Cardiff assurances.
...
La sanction de l'absence de remise d'une note d'information distincte des conditions générales consiste pour l'assuré à bénéficier d'une prorogation du délai lui permettant de renoncer au contrat et que l'appelant ne peut se prévaloir de ces dispositions pour les motifs ci-dessus retenus.

Le devoir de conseil du courtier s'analyse notamment en fonction des capacités de l'assuré à comprendre les informations qu'il a reçues.

La volonté d'investir dans le cadre d'un 'placement' résulte explicitement de l'attestation remise à la banque par M. C. le 11 février 2000 qui a ainsi souhaité réinvestir la somme épargnée dans le cadre d'un Plan d'Epargne Logement venu à échéance.

Il s'avère que M.C. exerçant la profession de magistrat, a notamment détenu un plan d'épargne en actions à compter du 31 octobre 1992 et un PEP Assurances de sorte qu'il doit être considéré qu'il avait une bonne connaissance des produits financiers, des notions de rentabilité et d'aléas boursiers.

Il ressort des mentions du bulletin d'adhésion litigieux que M. C. a reçu et pris connaissance d'un exemplaire du bulletin d'adhésion, des dispositions générales et des conditions de fonctionnement du contrat Natio vie multi horizons valant note d'information.

Il est spécifié en caractère très apparents la durée du contrat.

Il est ainsi indiqué aux termes des dispositions générales et plus particulièrement au paragraphe 4 intitulé 'valorisation du capital' que le contrat comporte deux modes de valorisation au choix de l'adhérent lors de l'adhésion :

' capitalisation,

' ou investissements en unité de compte (gestion à horizon ou gestion profilée).

Chaque option est détaillée avec, en ce qui concerne l'option unité de compte, l'explicitation des termes 'gestion à horizon' ou 'gestion profilée'.

Il est ainsi indiqué en ce qui concerne le capital acquis que le montant évolue, à la hausse comme à la baisse, en fonction des fluctuations de la valeur des unités de compte.

Les options sont encore explicitées dans les conditions de fonctionnement du contrat, l'adhérent ayant la possibilité de sortir totalement de l'option unité de compte et de se reporter sur l'option capitalisation ou de modifier la répartition des investissements déjà effectués au sein de l'option unité de compte.

Enfin le bulletin d'adhésion mentionne précisément en ce qui concerne la répartition des investissements :

« je désire investir les montants sur mon contrat natio-vie multihorizons géré en francs de la manière suivante :

cotisation initiale ' cotisations périodiques

Natio-vie dynamique 100% 100% »

....Ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge selon des motifs que la Cour adopte, le contenu des documents remis avant la signature est suffisamment clair et complet pour permettre à l'assuré de comprendre les alternatives proposées, le fonctionnement du contrat souscrit, les risques encourus en termes de fluctuations du marché et la possible baisse du capital.

En l'absence de démonstration d'une faute du courtier dans le cadre de son obligation de conseil, M. C. a été à juste titre débouté de l'ensemble de ses demandes.

Il doit être observé surabondamment qu'il n'est pas non plus rapporté la preuve d'un préjudice dès lors que l'appelant en procédant au rachat de son contrat avant le terme de celui-ci, dans une période peu favorable sur les marchés boursiers est à l'origine de son préjudice en se privant de la possibilité de bénéficier d'une évolution à la hausse de la valeur de son contrat.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

3) Point de départ de la prescription : obligation de mise en garde


Cass. com., 26 janv. 2010, n° 08-18.354, FS-P-B, S. c/ S. et a. : JurisData n° 2010-051412

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi des crédits. En la circonstance, ayant ainsi retenu que l'inexécution alléguée s'était manifestée à la date de conclusion des contrats, une cour d'appel en a exactement déduit que l'action engagée à l'encontre des banques était prescrite.

II/ DROIT IMMOBILIER, CONSTRUCTION

1) Baux commerciaux : Clause résolutoire et force majeure

Cour de cassation, chambre civile 3 du 17 février 2010 (N° pourvoi : 08-20943) (rejet)

Dans cette espèce, le juge des référés avait accordé un délai de 18 mois au preneur pour régler sa dette de loyers et charges et prévu une clause de déchéance du terme et de reprise des effets de la clause résolutoire à défaut de respect des délais. Le preneur prévoyant avait mis en place un virement automatique de 25 de chaque mois. Pendant 17 mois les choses se passent bien mais la 18ème et dernière mensualité arrive avec retard à la suite d'un incident informatique de la banque. Le bailleur signifie un commandement de quitter les lieux.
Le Juge de l'Exécution saisi par le preneur donne raison au bailleur; mais cette décision est infirmée par la cour d'appel.

La cour de cassation rejette le pourvoi formé par le bailleur et approuve la cour d'appel qui a considéré que : constitue un cas de force majeure justifiant l'annulation du commandement de payer et du procès-verbal de tentative d'expulsion délivrés par le bailleur, l'incident technique survenu dans le système informatique de la banque auprès de laquelle le preneur a passé un ordre de virement dès lors que les circonstances de cette seule cause du non-respect du règlement d'une mensualité due ont rendu cet évènement, extérieur au débiteur (« système informatique de la banque »), imprévisible (« dès lors que l'ordre de virement avait été donné pour le 25 de chaque mois avec une marge suffisante pour permettre au virement d'être crédité sur le compte CARPA du conseil du créancier au plus tard le 1er de chaque mois et qu'aucun incident n'avait eu lieu pendant 17 mois ») et irrésistible (« en raison de la période estivale et de fin de semaine au cours de laquelle l'incident technique s'était produit empêchant tout paiement par un autre moyen avant le terme fixé pour autant que la société en eût été immédiatement informée ce qui n'avait pas été le cas »).


2) Baux commerciaux : Pas de suspension des effets de la clause résolutoire sans délais

Cour de cassation chambre, civile 3 du 8 avril 2010 (N° pourvoi : 09-11292) (cassation partielle)

La 3ème chambre civile a cassé, pour violation de l'article L.145-41 du code de commerce, l'arrêt rendu le 27 novembre 2008 par la cour d'appel de paris qui avait rejeté la demande du bailleur tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire au motif que le preneur avait régulièrement formé opposition au commandement de payer visant cette clause et que les sommes dues à ce titre avaient été acquittées, alors qu'elle « n'avait ni octroyé de délais ni constaté qu'il en avait été accordé. »

Le preneur qui a réglé les causes du commandement de payer doit néanmoins demander des délais de paiement pour voir suspendre les effets de la clause résolutoire et éviter son expulsion.

A défaut, il pourra être fait droit à la demande du bailleur d'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion du preneur.

 

 3) Baux commerciaux : les infractions expressément visées au bail

Cour de cassation, chambre civile 3 du 15 septembre 2010 (N° pourvoi : 09-10339) (cassation)

La résiliation de plein droit d'un bail commercial par application de la clause résolutoire implique un manquement aux obligations expressément visées par le bail.

Il s'agit de l'application d'une jurisprudence constante qui interprète strictement les clauses résolutoires et ne retient que les infractions expressément prévues et mentionnées dans le bail.

En l'espèce, il s'agissait de l'occupation par le preneur de parties d'immeuble non données à bail. Cependant cette infraction n'était pas prévue au bail.

L'attention du bailleur doit donc être attirée sur l'importance de la rédaction précise et complète des clauses résolutoires.
*
4) Baux commerciaux : les infractions expressément visées au bail

Cour de cassation, ch. Civ. 3, du 10 novembre 2010 (N° pourvoi : 09-15937) (cassation)

« Mais attendu qu'ayant relevé que le bail comportait une clause d'échelle mobile stipulant la révision triennale et automatique du loyer par référence à l'indice national du coût de la construction, la cour d'appel en a déduit exactement que le commandement de payer notifié le 17 janvier 2005 au visa de la clause résolutoire du bail visait valablement un rappel de loyer résultant de l'application de la clause d'échelle mobile. »

En l'espèce, le non paiement d'un rappel de loyer après indexation prévue au bail a pu justifier l'acquisition de la clause résolutoire.

5) Baux commerciaux : l'efficacité du paiement réalisé entre les mains d'un tiers

Cour de cassation, ch. civ. 3 du 15 septembre 2010 (N° pourvoi : 09-15511) (Cassation)

« qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le notaire avait reçu pouvoir de recevoir les loyers pour le compte des bailleurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Le paiement des loyers dus par le preneur entre les mains du notaire chargé de la succession du bailleur, ne peut être libératoire que s'il est prouvé que ce notaire avait reçu le pouvoir de recevoir les loyers pour le compte des héritiers du bailleur.

6) Baux d'habitation : la clause "locaux pris en l'état »

Cour de cassation, ch. Civ. 3, du 2 février 2010 (N° pourvoi : 09-12691) (Cassation)

En l'espèce, la cour d'appel avait débouté le preneur de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des désordres constatés par l'expert judiciaire au motif que le preneur ne pouvait ignorer l'état de l'appartement qui avait été détaillé dans l'état des lieux avec la liste des désordres et qu'il avait accepté de rentrer des les lieux.

La cour de cassation rappelle que « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. »

« Qu'en statuant ainsi, alors que le fait que le preneur avait accepté le logement en l'état ne déchargeait pas le bailleur de son obligation de délivrance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1719 du code civil. »

Cette solution est transposable aux baux commerciaux.

La clause « locaux pris en l'état » qui ne dégage pas de bailleur de son obligation de délivrance.

 

7) Baux commerciaux : obligation de délivrance du bailleur

Cour de cassation, ch. Civ. 3 du 9 novembre 2010 (N° pourvoi : 09-69762) (cassation partielle)

La cour d'appel avait débouté le preneur de sa demande de dommages et intérêts au titre de ses préjudices moral et commercial au motif que le preneur avait déclaré connaître l'état de l'immeuble.

La cour de cassation rappelle au visa des articles 1719 alinéa 2 et 1147du code civil que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. »

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'installation électrique des lieux était vétuste et non conforme, que l'armoire de l'ascenseur était vétuste et retenu que les travaux de mise en conformité et de réparation ressortaient donc des obligations du bailleur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations sur les carences de la bailleresse, a violé les textes susvisés. »

En l'espèce, il s'agissait de travaux à effectuer dans un hôtel sous peine de fermeture

Quelque soit l'état de l'immeuble et la connaissance du preneur, le bailleur est tenu d'effectuer (ou de rembourser) les travaux nécessaires découlant de son obligation de délivrance (sauf clauses précises et expresses).


8) Baux commerciaux : la portée des clauses de transfert des grosses réparations

Cour de cassation, chambre civile 3 du 29 septembre 2010 (N° pourvoi : 09-69337) (rejet)

En l'espèce la société bailleresse reprochait à la cour d'appel d'avoir dit que les travaux de réfection totale de la toiture ainsi que les travaux rendus nécessaires par sa vétusté étaient à sa charge.

La cour de cassation répond : « Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la clause du bail, transférant au preneur la charges des grosses réparations et celles du clos et du couvert, devait être interprétée restrictivement et ne pouvait inclure la réfection totale de la toiture de l'un des bâtiments compris dans l'assiette du bail, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision. »

Il convient de rappeler l'importance de la rédaction des clauses de transfert des travaux. En effet, une clause large, imprécise et floue sera inefficace.

La jurisprudence fait une large place à l'obligation de délivrance du bailleur.

Depuis un arrêt de 2005, la définition des gros travaux visés à l'article 606 du code civil a été précisée : il s'agit désormais de tous les travaux qui intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

On peut toujours transférer la charge des travaux liés à la force majeure, à la vétusté ... sous réserve de prévoir une clause nette et précise.


9) Baux commerciaux et procédure collective :

Cour de cassation, chambre commerciale du 2 mars 2010 (N° pourvoi : 09-10410) (cassation)

Vu les articles L.622-13, L.622-14 et L.631-14 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

« Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en cas de redressement judiciaire du locataire, l'envoi par le bailleur d'un immeuble affecté à l'activité de l'entreprise à l'administrateur judiciaire d'une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du bail est sans effet et que le bail n'est pas de plein droit résilié par l'absence de réponse à cette mise en demeure. »

Cette jurisprudence a été consacrée par le nouvel article L.622-14 issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Le contrat de bail qui n'est pas un contrat comme les autres est régi par les dispositions particulières de l'article L.622-14.

En pratique, il reste toujours utile d'adresser à l'administrateur une mise en demeure sur la poursuite ou non du bail commercial, mais à défaut de réponse il n'est prévu aucune sanction.

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10) Baux commerciaux : immatriculation au RCS

Cour de cassation, chambre civile 3 du 13 juillet 2010 (N° pourvoi : 09-67506) (cassation)

La fille du preneur artiste décédé qui revendiquait le droit au statut et donc le maintien dans les lieux avait été déboutée par la cour d'appel au motif qu'à la date de la délivrance de l'assignation, elle n'était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, et ne peut donc prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux.

La cour de cassation a sanctionné la cour considérant « Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si à la date à laquelle Mme Z ... avait revendiqué le bénéfice du statut des baux commerciaux elle était inscrite au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »

C'est donc au jour où l'on revendique le statut des baux commerciaux qu'il convient de se placer pour vérifier l'immatriculation au RCS.


11) Baux commerciaux : cessation temporaire d'activité

Cour de cassation, chambre civile 3 du 15 septembre 2010 (N° pourvoi : 09-68521) (rejet)

La cessation temporaire d'activité n'impliquant pas en elle-même la disparition de la clientèle, caractérise l'existence d'une clientèle actuelle et certaine une cour d'appel qui relève souverainement que l'interruption temporaire d'exploitation à la suite du décès de l'exploitant n'avait pas affecté l'achalandage attaché au fonds en raison de l'activité exercée concernant en quasi-totalité la clientèle de passage constitué par les pèlerins venant à Lourdes et que, tout comme l'achalandage, la clientèle du fonds n'avait pas davantage pâti de l'interruption de l'exploitation, s'étant naturellement reconstituée dès la réouverture du fonds de commerce au public.


12) Baux commerciaux: notion de local

Cour de cassation, chambre civile 3 du 1er juin 2010 (N° pourvoi : 09-65482) (rejet)

Le local est le troisième élément (après l'immatriculation et la clientèle) nécessaire pour bénéficier du statut des baux commerciaux.

La cour de cassation a approuvé la cour d'appel qui a retenu que « l'espace dans lequel M.X... exploitait le fonds de commerce était bien défini, qu'il n'était aucunement aléatoire ou changeant, qu'il bénéficiait en outre d'une fermeture avec un rideau métallique et d'une réserve dotée d'une clef et que la position exprimée par la copropriété lors de la vente fonds, relative à un possible déplacement, était fondée sur la contrainte d'éventuels travaux et mentionnait expressément que le nouvel emplacement serait « retenu en liaison avec l'exploitant », et ne pouvait conduire à caractériser « un petit stand mobile » insusceptible de constituer un local.»

Cet espace exploité dans la Tour Maine Montparnasse constituait donc bien un local au sens de l'article L145-1 ou I du code de commerce et non un stand mobile (comme il était prétendu par le bailleur).


13) Baux commerciaux : Domaine public

Cour de cassation, chambre civile 3 du 10 mars 2010 (N° pourvoi : 09-12714) (cassation)

La cour de cassation rappelle que : « les dispositions du chapitre V du livre premier du code de commerce s'appliquent aux baux d'immeubles ou de locaux principaux ou accessoires, nécessaires à la poursuite de l'activité des entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel ou commercial, dans les limites définies par les lois et règlements qui les régissent et à condition que ces baux ne comportent aucune emprise sur le domaine public. »

Il est donc impossible de consentir un bail commercial soumis au statut lorsque les biens appartenant au domaine public.


14) Baux commerciaux : cession - indemnité d'éviction

Cour de cassation, chambre civile 3 du 17 février 2010 (N° pourvoi : 08-19357) (cassation partielle)

En l'espèce, le bailleur avait délivré congé avec offre de renouvellement puis après l'arrêt ayant fixé le prix du bail renouvelé, a refusé le droit au renouvellement. Le preneur mis en liquidation judiciaire, a cédé son fonds de commerce et le cessionnaire a assigné le bailleur pour le cas où son refus de renouvellement serait validé, afin d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction.

La cour d'appel a débouté le cessionnaire de sa demande considérant qu'à la date de la cession du fonds de commerce, le bail commercial n'existait plus (l'exercice par le bailleur de son droit de rétractation ayant eu pour effet le non renouvellement du bail).

La cour de cassation rappelle au visa des articles L.145-14 et L145628 du code de commerce le principe selon lequel : « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail ; que, toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ; qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. »

La cour de cassation censure donc les juges du second degré considérant que « sauf clause contraire incluse dans l'acte, toute cession de fonds de commerce emporte cession de la créance d'indemnité due au cédant et du droit au maintien dans les lieux et que cette cession peut valablement intervenir jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.»


15) Baux commerciaux : date et condition d'exercice du droit de repentir

Cour de cassation, chambre civile 3 du 10 mars 2010 (N° pourvoi : 09-10793) (rejet)

Justifie sa décision de déclarer fautif l'exercice par un bailleur commercial de son droit de repentir, la cour d'appel qui relève que le locataire avait pris d'importantes mesures pour libérer les lieux à la suite de la délivrance du refus de renouvellement, qu'un processus irréversible de départ des lieux, rendant impossible la continuation du fonds de commerce dans les lieux loués, était engagé de longue date lors de la notification de son droit de repentir, que le bailleur en était informé, ayant reçu quelques jours avant l'exercice de son droit de repentir un courrier sollicitant un rendez-vous pour la remise des clefs, qu'il avait peu avant manifesté sa volonté de mettre fin aux relations contractuelles en écartant le preneur de la réunion des locataires de l'ensemble immobilier, et que ces circonstances traduisent la volonté du bailleur de mettre son locataire en difficulté et de faire échec à tout risque de paiement d'une indemnité d'éviction.

Le droit de repentir de l'article L.145-58 du code de commerce ne peut plus être exercé par le bailleur lorsque le locataire n'est plus dans les lieux ou lorsqu'il a entrepris des démarches irréversibles pour partir.

Dans ces conditions, la décision d'exercer le droit de repentir doit être prise par le bailleur très en amont (par exemple après le rapport d'expertise).
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16) Baux commerciaux : expertise amiable

Cour de cassation, chambre civile 3 du 3 février 2010 (N° pourvoi : 09-10631) (cassation)

Dans cette espèce en fixation du loyer du bail renouvelé, la cour d'appel de Paris avait statué en se prévalant du rapport amiable établi à la demande du bailleur considérant que ce rapport avait été soumis aux observations contradictoires des parties et comportait des éléments objectifs.

La cour de cassation estime « qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'unes des parties, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de l'égalité des armes, a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales."


17) Baux commerciaux : monovalence

Cour de cassation, chambre civile 3 du 25 novembre 2009 (N° pourvoi : 08-14189) (rejet)

Une cour d'appel qui relève que si l'immeuble donné à bail avait été construit en vue d'une seule utilisation, deux activités distinctes, ni complémentaires ni interdépendantes et avec des clientèles différentes, y étaient depuis effectivement exercées avec l'autorisation expresse du bailleur, nonobstant les obstacles matériels constatés, peut en déduire l'absence de monovalence des locaux.

En l'espèce, les deux activités exercées étaient celle garage-hôtel et celle de confection (dans les deux étages supérieurs).

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18) Baux commerciaux : monovalence

Cour de cassation, chambre civile 3 du 5 janvier 2010 (N° pourvoi : 09-11193) (rejet)

La cour de cassation approuve la cour d'appel qui a jugé que des locaux transformés en hôtel-restaurant-pension de famille, dotés de salles de séminaires étaient des locaux monovalents , en retenant souverainement que l'entrée de l'hôtel et celle du restaurant étant commune et le sous-sol abritant à la fois la cuisine du restaurant et la lingerie de l'hôtel, l'exercice des activités de restauration et d'hôtellerie requérait concurremment l'utilisation de la totalité du bâtiment et que ces activités étaient homogènes et interdépendantes puisque l'établissement situé en pleine forêt à l'écart des agglomérations et des axes importants de communication avait vocation à offrir un hébergement à la clientèle du restaurant et à celle des salles de séminaires et une restauration aux résidents et pensionnaires, et en a déduit que le local était aménagé de manière à constituer une exploitation unique concernant une même clientèle et a souverainement retenu qu'au vu des caractéristiques du bâtiment, de la configuration des lieux et de leur aménagement en hôtel restaurant, les locaux ne pouvaient être affectés à une autre utilisation qu'au prix de travaux importants et de transformations coûteuses et profondes.

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19) Baux commerciaux : monovalence

Cour de cassation, chambre civile 3 du 10 novembre 2010 (N° pourvoi : 09-16783) (cassation partielle)

« Mais attendu qu'ayant relevé à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le caractère de monovalence impliquait que les locaux avaient été construits ou aménagés en vue d'un seul type d'exploitation et qu'ils ne pourraient être affectés à une autre activité sans des travaux importants et coûteux, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la preuve n'était pas rapportée de l'importance et du coût des travaux qu'aurait exigé une affectation des locaux à une autre activité, a légalement justifié sa décision. »

Il s'agissait ici d'un garage avec une rampe qui a donc été considéré comme un local non monovalent.

Dans cette espèce particulière, il s'agissait d'un bail de plus de douze donc déplafonné ;

Cependant, la cour a estimé que le moyen de déplafonnement du loyer du fait de la durée du bail de plus de douze ans, soulevé par le bailleur, pour la première fois en cause d'appel, était irrecevable car nouveau.

La doctrine s'est interrogée sur cette motivation curieuse car effectivement si les demandes nouvelles sont effectivement irrecevables en cause d'appel, les moyens nouveaux sont admis.


III/ DROIT DE LA RESPONSABILITE


1) partage des responsabilités: obligation in solidum - contribution à la dette - proportion - gravité des fautes respectives


Cass. 2ème Civ., 13 janv. 2011 (pourvoi n° 09-71.196)
La Cour de cassation revient à sa solution traditionnelle en matière de contribution à la dette de la réparation du dommage de la victime en présence de plusieurs coresponsables tenus in solidum.
Malgré les critiques de la doctrine, la haute juridiction réaffirme dans un arrêt du 13 janvier 2011 rendu au visa des articles 1382 et 1251 du Code civil que « la contribution à la dette [entre coresponsables fautifs] a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives ».

A la suite d'un accident de la circulation, une femme est opérée dans une clinique. En raison d'une faute médicale au cours de l'opération, la victime restera paraplégique. Elle agit en réparation de ce préjudice contre le conducteur et son assureur qui se retournent contre la clinique. L'arrêt d'appel, qui approuve les premiers juges d'avoir relevé que la faute du conducteur n'a joué aucun rôle direct dans l'apparition de la paraplégie et d'avoir en conséquence fait supporter à chacun des coresponsables les conséquences directes de leur faute, à savoir les conséquences de l'accident pour le conducteur et les conséquences de l'intervention chirurgicale pour la clinique, est sèchement cassé. La Cour de cassation rappelle « qu'en cas de faute, la part contributive de chacun des coauteurs s'apprécie exclusivement en fonction de la gravité des fautes commises ».

 

IV/ VOIES D'EXECUTION ET MESURES CONSERVATOIRES


1) Saisie Immobilière: Pourvoi: Absence de sursis à statuer et poursuite de la procédure

Cour d'appel MONTPELLIER 25octobre 2010 n° 10/06206

Le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt qui a statué sur la validité du commandement afin de saisie immobilière rendu sur appel du jugement d'orientation ne constitue pas une cause de sursis à statuer et à la poursuite de saisie immobilière, dès lors le créancier est voué à poursuivre la saisie nonobstant le pourvoi en cassation formé par le débiteur, sauf au créancier à renoncer et à perdre ainsi le bénéfice de la procédure de saisie, le pourvoi n'étant pas une cause de relevé de caducité du commandement afin de saisie, au sens de l'article 12 du décret du 27 juillet 2006. .

2) Contestation et audience d'orientation

Cass. 2e civ., 11 mars 2010, n° 09-13.312, FS-P+B+I : JurisData n° 2010-001608
En cas de renvoi de l'audience d'orientation, les contestations et les demandes incidentes formulées au plus tard à l'audience de renvoi sont recevables.

 

VI/ GARANTIES ET SURETES:

1. Cautionnement disproportionné:

Cass.com 19/10/2010 n° 09-69203

Le cautionnement souscrit par une caution quelle soit avertie ou non peut être manifestement disproportionné en raison des nombreux cautionnements précédents qu'elle a pu souscrire dont la valeur cumulée est supérieure à celle des biens de la caution.

Aussi, l'endettement définitif de la caution n'est-il pas nécessairement égal au montant nominal de la dette principale ou du cautionnement s'il est défini.

2. Caution: Défaut d'objet: détermination de la personne garantie:

Cass.com 6/07/2010 n° 09-68.778

Si une société en participation est désignée comme débitrice dans un acte de cautionnement, ce dernier est dépourvu d'objet et la caution ne peut être condamnée à garantir la dette d'une personne autre que le débiteur désigné.

Faute de personnalité morale, une société en participation ne peut être débitrice dans un acte de cautionnement. Pour être valable, l'associé qui représente la société en participation doit être désigné en qualité de débiteur dans l'acte de cautionnement.


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