I/ DROIT BANCAIRE

 

1) soutien abusif (non)

 

Cour d'appel Limoges Chambre civile  15 Novembre 2011
N° 10/01142, 1190
 
la Cour confirme le jugement et déboute l'emprunteur au motif que:

Cependant, l'installation de Madame T. avait fait l'objet d'une étude prévisionnelle par un organisme spécialisé, l'ADASEA, et la qualité de jeune agricultrice de l'exploitante lui avait permis de bénéficier de l'aide des pouvoirs publics notamment sous forme de subventions. Le financement mis en place s'inscrivait dans ce cadre et il convient d'observer que pour l'essentiel il était précisément affecté aux besoins du lancement de l'activité (achats et aménagements fonciers, équipements en installations et matériels) et assuré sous forme de prêts bonifiés, c'est-à-dire réglementés de manière à favoriser l'installation.
 
Dans ces conditions c'est à bon droit que le tribunal, après avoir constaté que ni le nombre ni l'importance des prêts accordés n'était anormal compte tenu des besoins de la création et du lancement de l'activité, dès lors qu'ils entraient dans les prévisions de l'ADASEA et que le début de l'exploitation s'est déroulé conformément à ces prévisions, a considéré que n'était établi aucun manquement de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde vis-à-vis de Madame T., emprunteuse non avertie.

D'autre part, étant rappelé que lors de la conclusion en mai et juillet 2003 des deux derniers contrats de prêt en attente de subventions qui ont été effectivement versés trois emprunts étaient déjà remboursés et les échéances des autres honorées, et que la procédure de sauvegarde n'a été mise en oeuvre qu'au début de l'année 2005, avec adoption un an plus tard d'un plan de redressement qui a été résolu seulement à la fin de l'année 2007, c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal a écarté le grief de soutien abusif.
 
Il y a lieu, en définitive, de confirmer purement et simplement le jugement entrepris.
 
2) Obligation annuelle d'information, cautionnement (personnel) et sûreté réelle constituée par la caution.

Cass. com., 13 sept. 2011, n° 10-17.659 

Dans une espèce où une caution avait, d'une part, souscrit un cautionnement personnel et, d'autre part, affecté en garantie de la même dette, avec son épouse, un bien immobilier leur appartenant, et où le créancier, sans se prévaloir du cautionnement du mari, avait fait délivrer aux époux un commandement de payer valant saisie immobilière, la Cour de cassation censure l'arrêt qui avait refusé auxdits époux le bénéfice de la déchéance des intérêts et pénalités, au motif que « l'acte du (...) contenait, outre la constitution d'une sûreté réelle, un engagement personnel de M. B., lequel se constituait caution solidaire de la société envers la banque », rejetant l'argument selon lequel la banque n'avait poursuivi les époux B. qu'au seul titre de la garantie hypothécaire;

 

•3)      Recouvrement des prêts immobiliers et réforme de la prescription:

 

Cour d'Appel REIMS 11 octobre 2011  n° 52, 10/02766

Le recouvrement des prêts immobiliers se prescrit par cinq ans en application de la l'article L 110-4 du code de commerce (modifié par la loi du 17 juin 2008 - entrée en vigueur le 19 juin 2008).

L'article L 137-2 du code de la consommation qui prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou services qu'ils fournissent, se prescrivent par deux ans, ne concerne pas les prêts immobiliers.

La jurisprudence commence à s'établir sur un point qui était resté particulièrement flou même après la réponse ministérielle de 2009 qui renvoyait à la jurisprudence  en devenir, sur le point de savoir quel était le délai de prescription pour le recouvrement des prêts immobiliers.

4) Prêts personnels aux dirigeants pour renflouer leur société: soutien abusif (non):

 

Cour d'appel Poitiers Chambre civile 2  15 Novembre 2011 N° 712, 11/01348

Attendu,  que c'est encore à juste titre que la banque fait valoir que, s'agissant de prêts, elle n'était pas tenue d'une obligation spécifique de 'conseil', distincte de l'obligation d'information, n'étant pas chargé de la gestion des affaires de l'emprunteur et n'ayant pas à s'immiscer dans cette gestion ; que la banque n'avait donc pas à conseiller à MM en vue du choix de tel ou tel type de prêt ou mode de financement ;
Que l'espèce MM. reproche à la banque de leur avoir 'conseillé' et consenti, sous couvert de prêts personnels 'à la consommation', des prêts professionnels destinés à financer l'activité de la SARL S dont ils étaient les cogérants et donc de leur avoir fait conclure des prêts inadaptés à leur finalité réelle ;

Attendu, cependant, d'une part, que rien n'interdit à un associé et ou gérant d'une personne morale d'emprunter, à titre personnel, pour effectuer un apport de fonds à la personne morale qu'il dirige, étant observé que les prêts n'étant pas affectés, la destination des fonds empruntés était libre et que la banque n'avait pas, à 'surveiller la destination des fonds prêtés' ou à 'surveiller ses clients pour déceler des anomalies', inexistantes en l'espèce en ce qui concerne l'affectation des fonds qui ont  été  versés sur leurs comptes personnels respectifs, avant d'être virés sur le compte de la personne morale;
Attendu,  que MM. S  font vainement valoir que la banque avait imposé la solution litigieuse pour éviter de voir sa responsabilité éventuellement recherchée pour soutien abusif dès lors qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la solution leur a été imposée par la banque et que celle-ci aurait ainsi commis, en quelque sorte, un 'soutien abusif indirect' ;
  

II/ DROIT IMMOBILIER, CONSTRUCTION

 

1) Travaux de construction et désordres au fonds voisin: responsabilité des entreprises de construction:

 

Cour d'appel Paris Pôle 4, chambre 2,  7 Septembre 2011

N° 08/16731

L'obligation de réparation intégrale du préjudice n'est pas contraire à un partage de responsabilité en cas d'une pluralité de causes aux désordres et notamment inhérentes à l'immeuble subissant ces désordres.

La SCI, maître d'ouvrage et les constructeurs à l'origine des nuisances sont responsables de plein droit vis à vis du syndicat voisin sur le fondement de la prohibition des troubles anormaux de voisinage, les constructeurs étant, durant le chantier, voisins occasionnels du syndicat victime.

Les dommages causés à l'immeuble, par leurs nature et gravité, ont effectivement excédé les inconvénients normaux de voisinage.

Du fait de la subrogation dont elle est bénéficiaire dans les droits du syndicat victime, la SCI maître d'ouvrage est fondée à obtenir la garantie totale des locateurs d'ouvrage, auteurs du trouble dont la responsabilité vis à vis du maître de l'ouvrage n'exigeait pas la caractérisation d'une faute.

 

2) Hôtel: renouvellement de bail: exemple de révision du loyer Commercial:  

 

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 3
14 Septembre 2011 N° 09/28891
En application de la méthode hôtelière, la valeur locative des locaux à usage d'hôtel est basée sur la recette théorique annuelle hors TVA et hors taxe de séjour (689 201 euros). L'établissement est un hôtel deux étoiles, de 30 chambres, en bon état d'entretien, bénéficiant d'un assez bon emplacement. Le taux d'occupation doit être fixé à 75 %, puisque l'hôtel pratique des tarifs attractifs et s'adresse principalement à une clientèle d'affaires du fait de sa proximité avec la gare de Lyon. Le taux de remise doit être fixé à 15 pour-cent, puisque l'hôtel, qui pratique déjà des prix légèrement moins élevés que ceux de sa catégorie et accueille peu de groupes, fait peu de remises. Le pourcentage sur recettes doit être fixé à 14 %. L'abattement pour charges exorbitantes doit être fixé à 12 % car le preneur supporte le paiement de l'impôt foncier, de l'assurance incendie et des grosses réparations de l'ensemble de l'immeuble lequel abrite d'autres locaux loués distinctement par le bailleur. Le loyer du bail commercial renouvelé est ainsi de 54 130 euros.

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 3
 26 Octobre 2011 N° 09/17033

En application de la méthode hôtelière, la valeur locative des locaux à usage d'hôtel est basée sur la recette théorique annuelle. Cette recette n'a pas à être calculée en distinguant la haute saison et la moyenne saison, la définition de ces saisons étant fluctuante et la clientèle d'affaires étant remplacée par les touristes en période estivale. Il convient d'appliquer une recette théorique unitaire, qui sera corrigée par le taux de remise. Les petits déjeuners n'ont pas à être pris en compte dans la recette théorique. L'hôtel trois étoiles, situé dans un quartier résidentiel, comporte 50 chambres et 10 appartements. Le taux d'occupation doit être fixé à 75 % pour les chambres et à 60 % pour les appartements. Le taux de remise doit être fixé à 35 % pour les chambres et à 40 % pour les appartements. Le pourcentage sur recettes doit être fixé à 13 %. Il convient d'appliquer sur la valeur locative un abattement de 20 %, car les travaux réalisés par le preneur entrent dans le champ d'application de l'article L. 311-2 du Code du tourisme  (rénovation des installations sanitaires dans 30 chambres, réfection de l'électricité, installation de la climatisation dans l'ensemble de l'établissement et installation d'une chaudière neuve). L'abattement pour charges exorbitantes doit être fixé à 10 %, car le preneur supporte impôt foncier, assurances et gros travaux prévus par l'article 606 du Code civil . Le prix du loyer du bail commercial renouvelé s'élève à 185 616 euros.

 

3) bail commercial: clause exonératoire de responsabilité du BAILLEUR (validité oui) et obligation de délivrance:

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 3 9 Novembre 2011

N° 09/28389

Le contrat de bail commercial contient une clause précisant que "le preneur devra souffrir sans indemnité ni réduction, toute réparations, tous travaux d'amélioration, ou même de construction nouvelle ou d'extension horizontale ou verticale du centre commercial que le bailleur se réserve de faire exécuter, quelqu'en soient les inconvénients et la durée, cette dernière excédât elle quarante jours, quand bien même ces travaux entraîneraient-ils une modification substantielle de la chose louée, et laisser traverser ses locaux par toutes canalisations nécessaires, le coût du déménagement des stocks et de leur gardiennage étant à la charge du preneur".

C'est en vain que le preneur fait valoir que, par ses termes, cette clause aboutit à vider le contrat des obligations essentielles du bailleur qui est de délivrer la chose louée en état de servir à son usage et d'en faire jouir paisiblement le locataire.
En effet, le preneur n'apporte pas la preuve de l'étendue des préjudices subis, ni avoir été obligé de fermer son commerce temporairement en raison des travaux. La demande d'annulation de la clause litigieuse ne pourrait prospérer que s'il était démontré un manquement du bailleur à ses obligations essentielles de délivrance et de jouissance.

 

4) Trouble de voisinage et théorie de la "pré- occupation": (constitutionnalité)

 

Dans la décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 le Conseil Constitutionnel a validé la constitutionnalité de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation relatif au principe de « pré-occupation ».

Ce texte interdit à une personne s'estimant victime d'un trouble anormal de voisinage d'engager, sur ce fondement, la responsabilité de l'auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique, lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.

Celui qui s'installe près d'une source de nuisance déjà existante, et qui n'est pas destinée à évoluer, le fait en connaissance de cause. Il doit donc assumer les troubles dont il a pu vérifier la présence.

La faute extérieure à ces éléments sera donc rarissime, les arrêts parfois cités comme y faisant référence étant peu convaincants (V. Cass. 3e civ., 17 déc. 2002, n° 01-14.179, inédit qui considère qu'en cas de faute, il n'est pas nécessaire de constater le caractère anormal du trouble mais ne reconnaît pas, loin s'en faut, que l'activité respectait les règles légales et réglementaires. - Cass. 2e civ., 21 mai 1997, n° 95-17.743 : JurisData n° 1997-002173 qui concerne une responsabilité délictuelle entre responsables se superposant à la responsabilité pour troubles de voisinage). Mais la solution mérite cependant approbation. Celui qui s'installe près d'une source de nuisance, soit connaissait cette nuisance et ne peut donc s'en plaindre, soit l'ignorait parce qu'elle lui avait été cachée. Il pourra alors actionner son vendeur, que celui-ci soit professionnel ou non, sur le fondement de la garantie des vices cachés voire du dol, ce qui lui assure un recours efficace.

5) Gens du Voyage: Droit de la propriété et droit au logement décent:

Conseil Constitutionnel: Décision du 30 septembre 2011 (n° 2011-169 QPC : JurisData n° 2011-020729 ; Journal Officiel 1er Octobre 2011)

Cette décision  a donné l'occasion au Conseil constitutionnel de hiérarchiser deux principes souvent opposés, le droit de propriété d'une part, le droit au logement décent d'autre part.

La question posée était de savoir si la possibilité, pour un propriétaire, d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du CPC, l'expulsion des occupants sans titre, en l'occurrence des personnes vivant en résidence mobile, possibilité fondée sur le caractère absolu du droit de propriété, ne portait pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne et au droit de mener une vie familiale normale ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement.

Le Conseil Constitutionnel conclut que l'article 544 définissant le droit de propriété ne méconnaît, par lui-même, aucun droit ou liberté que la constitution garantit et, qu'en tout état de cause, il ne lui appartient pas d'examiner la conformité de l'article 809 du CPC aux droits et libertés que la Constitution garantit.

6) Un congé donné par une indivision n'est pas valable.

Cass. 2e civ., 9 juin 2011, n° 10-19.241 

Un commandement de quitter les lieux est délivré à un locataire à la demande d'une indivision représentée par un cabinet immobilier.

Il est validé par les juges du fond dans la mesure où ce cabinet immobilier était titulaire d'un mandat de gestion du bien indivis. La Cour de cassation ne pouvait que casser en constatant que l'acte avait été délivré par une indivision, laquelle est dépourvue de la personnalité juridique de sorte que le congé était affecté d'une irrégularité de fond entraînant sa nullité à défaut de régularisation.

La solution n'est pas nouvelle( CC troisième chambre civile du 25 avril 2001 (n° 99-14.368, Cass. 3e civ., 5 déc. 2001, n° 00-10.731 ,Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 03-20.382, C Cass. 3e civ., 3 oct. 2007, n° 06-16.716 ; Cass. 3e civ., 11 juill. 2007, n° 06-12.210 ).

 

7) La destination de l'immeuble ne se prescrit pas dans le délai de dix ans de l'article 42.

Cass. 3e civ., 19 oct. 2011, n° 10-20.634 

Un règlement de copropriété prévoyait initialement la possibilité d'offrir des logements à la location commerciale et donc de faire de la « para-hôtellerie ». Or, cette dernière n'étant plus pratiquée dans l'immeuble depuis 1985, une assemblée générale de 2006 modifie le règlement pour l'interdire.

Les copropriétaires, qui ont pris la décision à la majorité de l'article 26, soutiennent que dix ans s'étant passé depuis la disparition de cette forme de destination, celle-ci était prescrite.

La Cour de cassation réaffirme que le règlement de copropriété ne peut être modifié en ses stipulations relatives à la destination de l'immeuble que par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires prise à l'unanimité.

En effet, dans une telle hypothèse, la destination de chacun des lots se trouve nécessairement affectée.

 

8) Une location meublée de courte durée ne peut être interdite dans un immeuble autorisant l'exercice d'une profession libérale.

CC, 3ème chambre du 8 juin 2011 (n° 10-15.891) 

La Cour de cassation approuve une cour d'appel d'avoir pris en compte l'impact concret de la mise en location. Celle-ci n'ayant provoqué aucune nuisance particulière, si ce n'est des allées et venues comparables à ceux découlant de la présence de professions libérales, autorisées dans l'immeuble. À partir du moment où certains inconvénients sont tolérés pour une activité, ils ne peuvent servir de base à l'interdiction d'une autre forme d'utilisation de l'immeuble.

L'article 8 de la loi de 1965 précise que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes par ses caractères ou sa situation.

Le droit à la location meublée des chambres de service est, en effet, largement reconnu sauf dans les immeubles de grand standing (V. Cass. 3e civ., 26 févr. 2006 : Administrer juin 2006, p. 54). Cependant, la Cour de cassation avait admis, dans un arrêt du 25 avril 2006 (n° 05-13.096, inédit)  la validité d'une clause restrictive de location de chambres garnies dès lors que celle-ci entraînait un va-et-vient incessant de personnes étrangères à l'immeuble ayant modifié les conditions d'habitation.

9)  Résiliation judiciaire du bail d'habitation pour manquement des locataires à leur obligation de jouissance paisible.

 

Cour d'appel Versailles
Chambre 1, section 2 18 Octobre 2011 N° 10/05216

 

Il convient de prononcer la résiliation judiciaire du bail d'habitation, pour manquement des locataires à leur obligation de jouissance paisible. Il ressort des pièces produites qu'entre le mois d'août 2008 et le mois de décembre 2009, plusieurs des voisins du couple de locataires se sont plaints à de nombreuses reprises de nuisances sonores consistant principalement en des bruits d'enfants, des discussions à haute voix, des bruits de portes, de verrous ou de volets, des bruits domestiques liés à l'utilisation des sanitaires ou des appareils électro-ménagers, toutes ces nuisances étant perçues pendant la nuit. Ces bruits quotidiens qui, pour être tolérables, de jour, dans un immeuble collectif dont chacun convient de la faible isolation phonique, deviennent insupportables dès lors qu'ils sont perçus à des heures avancées de la nuit. Ces nuisances se sont répétées pendant 18 mois, malgré l'intervention des services de police et du syndic. Le dernier rapport d'intervention des policiers mentionne l'agressivité du mari et de sa fille, ce qui corrobore les témoignages selon lesquels le comportement du mari est perçu comme menaçant par le voisinage.

 

 

III/ DROIT DE LA RESPONSABILITE

 

1)       Exemple de responsabilité du liquidateur d'une société en cours de liquidation:

 

Cour d'appel Rennes  Chambre 2, 18 Novembre 2011 N° 603, 10/01288

Considérant qu'aux termes de l'article L. 237-12 du code de commerce le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ;
 
Considérant que M. M. expose, qu'après l'assignation qui lui a été délivrée par monsieur le G., il a fait procéder à la réouverture des opérations de liquidation de l'Eurl Garage M. puisqu'il avait été omis de prendre en compte la créance de monsieur Le G. ;
 
Qu'il indique que la SCP D.-F. a été désignée en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du 21 octobre 2008 du président du tribunal de commerce de Lorient qui a formé une demande d'ouverture de procédure de liquidation judiciaire et que la liquidation judiciaire a été prononcée le 20 février 2009 ;
 
Qu'il soutient que, n'étant plus liquidateur amiable de l'Eurl Garage M., il ne pouvait plus être poursuivi sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce et conclut à la nullité de l'assignation par application de l'article 117 du code de procédure civile et à l'irrecevabilité des demandes formées contre lui ;
 
Mais considérant que monsieur Le G. a engagé son action sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce contre monsieur M. pris personnellement et non pas en tant que personne représentant l'Eurl Garage M. ;
 
Que, formant une action contre le liquidateur amiable à raison de ses fautes personnelles, monsieur Le G. n'avait donc pas à faire assigner le liquidateur judiciaire de l'EURL Garage M. ;
 
Que l'assignation est donc régulière, les demandes dirigées contre monsieur M. étant recevables ;
 
SUR LA RESPONSABILITÉ DE MONSIEUR M.
 
Considérant que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ; qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société;
 
Considérant que c'est en vain que monsieur M. fait valoir que la faute qu'il a pu commettre en liquidant la société en octobre 2007 a disparu avec la nomination de la SCP D.-F. avec pour mission de reprendre les opérations de liquidation de l'EURL Garage M. ;
 
Qu'au contraire persiste la faute personnelle de monsieur M. ayant consisté à ne pas différer la clôture de la liquidation et à ne pas garantir par une provision la créance litigieuse ou, si l'actif de la société ne le permettait pas, à ne pas effectuer une déclaration de cessation des paiements afin de solliciter l'ouverture d'une procédure collective ;
 
Considérant que monsieur M. soutient que le préjudice est inexistant puisque l'Eurl Garage M., en état de cessation des paiements depuis 2004, avait un passif ne permettant pas de payer la créance de monsieur Le G. ;
 
Mais considérant que, monsieur M. ayant procédé à la clôture de la liquidation de l'EURL Garage M. pendant le délibéré de la cour d'appel saisie de la demande en paiement contre cette société et s'étant abstenu fautivement de garantir par une provision la créance de monsieur le G., il ne peut opposer à ce dernier une insuffisance d'actif de la société lors de la liquidation de la société ;
 
Considérant que monsieur Le G. a été privé d'une chance d'obtenir le règlement de sa créance qui ne peut être égale au montant de celle-ci, comme l'a jugé à tort le tribunal ; qu'au vu des éléments dont dispose la cour, il convient d'évaluer à la somme de 15 000 euro la perte de chance dont a été victime monsieur Le G. ;
 

2) Responsabilité civile des dirigeants:

Les administrateurs et directeurs généraux (C. com., art. L. 225-251, al. 1er), les représentants permanents des personnes morales administrateurs (C. com., art. L. 225-20), les membres du directoire (C. com., art. L. 225-256, al. 1er), les gérants de SARL (C. com., art. L. 223-22, al. 1er) et de sociétés en commandite par actions (C. com., art. L. 226-12, al. 2), les présidents de SAS (C. com., art. L. 227-8) sont responsables envers la société et envers les tiers des "infractions aux dispositions législatives ou réglementaires", ce qui inclut le non-respect des dispositions ci-dessus rappelées concernant les comptes et l'information financière.

S'agissant des dirigeants non visés par le Code de commerce (gérants de sociétés en nom collectif et de sociétés en commandite simple, directeurs généraux non-administrateurs de sociétés anonymes), il a été admis que la société pouvait agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité délictuelle (CA Versailles, 7 sept. 2006 : RJDA 2007, n° 859).

Responsabilité à l'égard des tiers -  À l'égard des tiers, la responsabilité du dirigeant ne peut être engagée que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions qui lui est imputable personnellement (Cass. com., 27 janv. 1998, n° 95-14.202 : Bull. civ. 1998, IV, n° 48. - Cass. com., 28 avr. 1998 : Bull. civ. 1998, IV, n° 139. - Cass. com., 12 janv. 1999 : RJDA 1999, n° 301). La faute détachable se définit, selon la Cour de cassation, comme une "faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales"(Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092 : JurisData n° 2003-019081 ; Bull. civ. 2003, n° 84 ; RJDA 2003, n° 842, concl. R. Viricelle, p. 717). Le fait que le dirigeant ait agi dans les limites de ses attributions n'empêche pas la faute d'être jugée incompatible avec l'exercice des fonctions (Cass. com., 10 févr. 2009 : RJDA 2009, n° 45, à propos d'un défaut de provisions).

S'est posée la question de la responsabilité individuelle des membres des organes de direction collégiaux. Selon un arrêt récent de la Cour de cassation, commet une faute individuelle chacun des membres du conseil d'administration ou du directoire qui, par son action ou son abstention, participe à la prise d'une décision fautive, sauf à démontrer qu'il s'est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s'opposant à cette décision (Cass. com., 30 mars 2010 : Rev. sociétés juill.-août 2010, p. 304,  concernant une insuffisance de provisions). Quant aux membres du conseil de surveillance, la loi précise qu'ils sont responsables des fautes personnelles commises dans l'exécution de leur mandat (C. com., art. L. 225-257). Tel serait le cas, par exemple, de celui qui n'aurait pas accompli les diligences requises dans sa mission de vérification et de contrôle portant sur les documents comptables (C. com., art. L. 225-68).

VI/ GARANTIES ET SURETES:

 

1)  Caution mentions manuscrites:

Les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, relatifs aux mentions manuscrites, comme l'article L. 341-4 du même code, relatif à l'exigence de proportionnalité, ne sont pas applicables aux rapports entre un établissement de cautionnement mutuel et ses sous-cautions;

CA Paris, pôle 5, ch. 6, 28 avr. 2011 : JurisData n° 2011-007447).-

2)  En cas de pluralité de cautions solidaires et/ou d'existence d'autres sûretés, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement s'apprécie au regard des revenus de chacune des cautions. -. - La Cour de cassation réaffirme cette solution, qui n'est pas nouvelle.

Cass. com., 13 sept. 2011, n° 10-18.323

Cette solution se traduit par une multiplication des hypothèses dans lesquelles la sanction est encourue, alors que, si le créancier a multiplié les garanties, c'est précisément, sans doute, parce qu'aucune ne lui a paru, séparément, suffisante.

3) Le défaut de déclaration de la créance n'est pas une exception inhérente à la dette susceptible d'être opposée par la caution au créancier:

Après avoir, pendant un quart de siècle, libéré d'innombrables cautions pour non-déclaration de créances cautionnées, au motif que l'exception en question était inhérente à la dette (alors que, dans le même temps, la même exception était déclarée personnelle dans les rapports entre codébiteurs),la Cour de cassation, à la suite de quelques juridictions du fond,  qualifie à son tour d'exception non inhérente à la dette le défaut de déclaration (Cass. com., 12 juill. 2011, n° 09-71.113 : JurisData n° 2011-014300 ; JCP G 2011, note 901, N. Dissaux ; D. 2011, p. 1894, obs. A. Lienhard ; RD bancaire et fin. 2011, comm. 162, obs. A. Cerles).

L'apport le plus important de l'arrêt réside cependant dans l'application de l'article 2314, dont il admet le principe. Le défaut de déclaration prive indéniablement la caution subrogée de la possibilité de percevoir le dividende qui serait revenu au créancier négligent.

C'est une interprétation extensive de l'article 2314 qu'admet, pour la première fois, la Cour de cassation par son arrêt du 12 juillet 2011 : « si la caution est déchargée de son obligation lorsque la subrogation dans un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier (...) ne peut plus, par le fait de celui-ci, s'opérer en faveur de la caution, pareil effet [ne] se produit [que] si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation ».

4) cautionnement disproportionné:

Cass.com 19/10/2010 n° 09-69203

Le cautionnement souscrit par une caution quelle soit avertie ou non peut être manifestement disproportionné en raison des nombreux cautionnements précédents qu'elle a pu souscrire dont la valeur cumulée est supérieure à celle des biens de la caution.

Aussi, l'endettement définitif de la caution n'est-il pas nécessairement égal au montant nominal de la dette principale ou du cautionnement s'il est défini.

 

5) Engagement de caution  d'une société en participation: Défaut d'objet: Détermination de la personne garantie:

Cass.com 6/07/2010 n° 09-68.778 

Si une société en participation est désignée comme débitrice dans un acte de cautionnement, ce dernier est dépourvu d'objet et la caution ne peut être condamnée à garantir la dette d'une personne autre que le débiteur désigné.

Faute de personnalité morale, une société en participation ne peut être débitrice dans un acte de cautionnement. Pour être valable, l'associé qui représente la société en participation doit être désigné en qualité de débiteur dans l'acte de cautionnement.

  

 

IX/ PROCEDURE:

1) Une taxe de 35 euros, contribution pour l'aide juridique:


Dans le but d'assurer une solidarité entre les justiciables l'article 1635 bis Q du Code général des impôts, complété par le décret n°2011-1202 du 28 septembre 2011, met à la charge du demandeur une taxe de 35 euros pour toute instance introduite à compter du 1er octobre 2011.

Cette taxe est due dés l'instant ou un justiciable saisit une juridiction en formulant une demande en justice (requête, assignation...).


www.lefebvre-avocats.fr