I/ DROIT BANCAIRE

1) Banque: Obligation de mise en garde, caution avertie

Cour d'appel de Reims Chambre civile Section 1 no RG 12/01732
Arrêt du 21 janvier 2014


En ce qui concerne la caution, La cour rappelle que la banque n'est pas tenue d'un devoir de conseil et d'information, mais elle est redevable à l'égard des seules cautions profanes, d'un devoir de mise en garde. En l'espèce M. X... était le dirigeant de la société, il a procédé à l'acquisition et à la gestion du fonds de commerce. Il ne peut donc être considéré comme profane mais était une caution avertie qui avait une parfaite connaissance des mécanismes financiers que sont le prêt et l'engagement de caution et était en mesure d'apprécier les risques inhérents aux concours bancaires au cas où la débitrice principale n'honorerait plus ses engagements.

M. X... ne démontre pas au surplus que la banque, qui n'a pas à se substituer à son client pour apprécier la rentabilité de l'opération projetée, possédait sur la situation de l'emprunteuse, des informations que lui-même ne possédait pas.


2) Caution avertie, pas d'obligation de la Banque même quant à l'étendue des engagements de la caution!

Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile.
22 janvier 2014. pourvoi n° 12-28.480.Arrêt n° 49.

Attendu qu'ayant retenu que M. X... avait la qualité de caution avertie lors de la souscription de son engagement et qu'il ne démontrait pas que la banque aurait eu, sur ses revenus, sur son patrimoine et ses facultés de remboursement, des informations qu'il aurait lui-même ignorées, la Cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si au jour de la mise en œuvre de la garantie, le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation ; que le moyen qui critique un motif surabondant est inopérant ;


II/ DROIT IMMOBILIER, CONSTRUCTION

1) Projet de loi ALUR

Présenté avant l'été en Conseil des Ministres, le projet de loi ALUR (pour l'Accès au Logement et pour un Urbanisme Rénové) a été voté en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale. Entre le projet annoncé tel que décrit dans notre dossier de Juillet / Août 2013, les modifications apportées en 1ère lecture par les députés puis celles faites par les sénateurs et celles effectuées lors la 2ème lecture devant l'Assemblée Nationale, le contenu du projet a évolué.

Le texte est en cours d'examen au Sénat 531/01/2014.

Voici quelques unes des dernières adaptations:

Frais d'agence
Au départ, le bailleur et le locataire devaient partager 50/50 les frais de réalisation de l'état des lieux et de rédaction du bail et le bailleur supportait seul les autre frais et notamment les frais de recherche de locataire.

Finalement, la contribution du locataire est étendue à la réalisation de la visite et à la constitution du dossier du locataire.

Le texte voté précise que « le montant toutes taxes comprises imputé au preneur pour les prestations ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable [...] fixé par voie réglementaire et révisable chaque année dans des conditions définies par décret ». Le bailleur supportera seul les autres frais.

Encadrement des loyers
Le dispositif a été revu et amendé.

- Les observatoires locaux des loyers : les données devaient initialement être collectées par les professionnels de l'immobilier. Elles pourront finalement et aussi l'être par des «organismes tiers » comme les observatoires privés notamment.

- Loyer de référence : la notion de « loyer médian de référence » est abandonnée. Les observatoires devront donc établir, pour chaque type de logement un « loyer de référence », un « loyer de référence majoré » et un « loyer de référence minoré ».

Les résidences avec services sont exclues du dispositif
Les députés considèrent en effet que les prestations proposées aux résidents constituent un élément déterminant du montant du loyer.
Ce qui signifie que la cherté des loyers est inhérente à ces logements.

Garantie Universelle des Loyers (GUL)
Avec l'encadrement des loyers, la GUL était l'autre dispositif phare du projet de loi ALUR. La version adoptée par l'Assemblée Nationale est très différente de la version initiale.
Au départ en effet, la garantie devait être obligatoire et elle devait se substituer à la caution.
A l'arrivée, la GUL adoptée par les députés reste publique, gratuite mais facultative : les bailleurs peuvent donc lui préférer une personne comme caution. Ils devront pour cela cocher une case sur le futur bail type pour indiquer qu'ils ne veulent pas de la GUL. En cas de souscription de la garantie, un bailleur sera couvert gratuitement pendant 18 mois, pour un montant de loyer plafonné au loyer médian du quartier.

Instauration d'un état des lieux et d'un bail types
Le bail type devra comporter un certain nombre d'indications, dont le montant du dernier loyer perçu par le bailleur pour ce logement, et dans les zones tendues, le loyer de référence défini par le préfet.

Pas de pénalité pour les retards de loyers
Ces pénalités avaient été adoptées en 1ère lecture par les députés mais supprimées par les sénateurs. Elles n'ont pas été rétablies en 2ème lecture.

Le diagnostic sur l'installation de gaz ne sera pas obligatoire

Améliorer les relations entres les propriétaires et les locataires en évitant les conflits lors de travaux :
- mise en place d'une grille de vétusté afin de déterminer la part de chacun
- extension du droit d'accès du bailleur aux lieux loués aux travaux permettant de répondre à l'obligation de délivrer un logement décent.

La colocation
La colocation a désormais un statut juridique.

Elle est définie comme étant la location d'un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale et formalisée par la conclusion de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur.

Chaque bail devra respecter le futur contrat type défini par décret. Et le total des quotes-parts du loyer de chacun des colocataires ne pourra pas dépasser le montant du loyer « entier » tel qu'il serait demandé à un locataire unique, dans le respect du dispositif d'encadrement des loyers.
De plus, après son départ un colocataire reste désormais solidaire du paiement du loyer et des charges pendant 6 mois (un an précédemment).
Autre innovation : dans le cas d'une colocation vide ou meublée, le bailleur pourra choisir entre des charges réelles ou des charges forfaitaires, alors que cela n'était précédemment possible que dans le cadre d'une (co)location meublée.
Nous referons un point très prochainement après analyse des modifications en deuxième lecture au Sénat;


2) Baux Commerciaux: La perception par le Bailleur d'un loyer inférieur au loyer contractuel ne vaut pas renonciation à percevoir l'intégralité du loyer:

Cour de cassation chambre civile 3, 21 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-26174 Rejet

Attendu qu'ayant relevé que ni le courrier du bailleur du 22 avril 2008 mentionnant un loyer mensuel inférieur à celui réclamé par le jeu de la clause d'indexation, ni le fait d'avoir accepté un nouveau loyer avec le cessionnaire du fonds de commerce, également inférieur, ne caractérisaient une renonciation à réclamer l'indexation et souverainement retenu que la mauvaise foi de la bailleresse n'était pas établie, la cour d'appel a pu en déduire que la clause d'échelle mobile devait recevoir application, dans la limite de la prescription, nonobstant l'absence de demande de révision par la locataire.

3) Bail d'habitation: Article 9 de la loi du 6 juillet 1989: Le locataire a l'obligation d'informer le bailleur de son changement matrimonial

Cour de cassation, 3ème civ, 29 octobre 2013 (N° pourvoi : 12-23138) (rejet)

Mais attendu qu'ayant retenu que M. X ... ne justifiait pas avoir porté, par une démarche positive, à la connaissance de la société bailleresse le fait qu'il était marié, la Cour d'Appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ces constations rendaient inopérantes, a pu, sans dénaturation, en déduire que la procédure d'expulsion engagée à l'encontre de M. X ... était opposable à Mme X ....

L'article 9 de la loi du 6 juillet 1989 fait peser sur le locataire une obligation d'information de son lien matrimonial impliquant une démarche positive de sa part envers son bailleur ; et la preuve que cette information a bien été donnée incombe au preneur.

4) Bail d'habitation et validité de l'engagement de caution:

Cour d'Appel Versailles, 1ère chambre du 30 juillet 2013 (n° 12/08320)

A jugé que « le cautionnement souscrit par les époux Beauvais ne répond pas aux prescriptions imposées, à peine de nullité, par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989. Et que cette nullité avait un caractère absolu.

L'article 22-1 dernier alinéa de la loi du 6 juillet 1989 impose les prescriptions pour la validité de l'engagement de caution : : Signature de la personne qui se porte caution précédée de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision figurant au bail ; Mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ; et Reproduction manuscrite sur la durée du cautionnement.
Ces mentions étant prescrites à peine de nullité.

En l'espèce, les parents du locataire, s'étaient portés cautions, mais seul le père avait rempli la mention manuscrite. De plus la mention selon laquelle la caution déclarait avoir reçu un exemplaire du contrat de bail était inexacte puisque à la date de l'engagement de caution, le bail n'était pas encore signé.

(Le caractère de nullité absolue est discutable car le formalisme de l'article 22 est édicté dans le seul but de protéger la caution, il s'agit donc d'une nullité relative, que seule peut soulever la caution mais qui est susceptible de confirmation).

5) Erreur sur la surface habitable -Obligation de délivrance

Cour d'Appel Aix-en-Provence, 11ème chambre (n° 2013/419)

Manque à son obligation de délivrance, le bailleur qui donne à la location un logement d'une superficie moindre que celle annoncée au bail. Le préjudice subi par les locataires n'est pas directement proportionnel à la superficie louée.

La cour a jugé que « la superficie habitable constitue un élément essentiel pour l'appréciation du logement tant pour son choix et pour le prix du loyer. Elle est déterminante du consentement du locataire à la location. »
« ..., elle fait partie de la commune intention des parties quant à la délimitation de leurs obligations réciproques.
« En donnant à la location une superficie moindre que celle annoncée au bail, le bailleur manque à son obligation de délivrance. »

La loi de 1989 ne prévoit pas de sanction en cas d'inobservation des dispositions de son article 3.

Si la surface mentionnée est erronée, le preneur peut agir en application des règles du droit commun des contrats (ex dol, manquement à l'obligation de délivrance ...)

Le projet de loi Duflot prévoit une sanction en cas de différence de surface de plus de 5% qui pourrait donner lieu à une réduction de loyer au prorata de la surface manquante.

Si la demande en diminution de loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d'effet du bail, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet de la date de la demande (et non à la date de signature du bail).


6) Colocation - Congé d'un des colocataires :

Cour de cassation, 3ème civile du 30 octobre 2013 (N° pourvoi : 12-21.973) (rejet)

En l'absence de clause de solidarité, le locataire avec qui se poursuit le bail doit payer l'intégralité des loyers échus postérieurement au congé.

La Cour de Cassation rappelle que le bail disposant que le preneur avait la faculté de résilier le contrat de location à tout moment sous réserve d'un préavis et ne prévoyant aucune solidarité entre les locataires, un seul des copreneurs pouvait valablement donner congé et le bail se poursuivait alors avec le locataire restant sur l'ensemble des locaux avec obligation de payer l'intégralité du loyer en contrepartie de leur jouissance.

En l'absence d'une clause de solidarité, chaque locataire a la possibilité de se dégager du paiement de sa part de loyer en donnant congé et celui qui reste doit payer l'intégralité du loyer.

Le projet de loi ALUR va modifier les règles de la solidarité.


7) Décès du locataire : demande de transfert commune aux trois enfants

Cour d'appel de Paris, 4ème chambre du 22 octobre 2013 (n° 12/10331)

Aucun texte législatif ou règlementaire ne fait obstacle à ce que le bail puisse faire l'objet d'un transfert commun aux trois enfants des locataires décédés.

L'article 14 de la loi dispose qu'en cas de décès du locataire, le contrat de location est transféré notamment aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

En l'espèce, une demande de transfert du bail était sollicitée de façon commune par les trois enfants.

La demande commune de transfert de bail peut être faite de manière groupée.

Lorsque trois personnes souhaitent poursuivre ensemble le bail (et si les conditions de fond liées à la durée d'occupation, à la taille du logement et aux ressources pour les HLM), il n'y a aucune raison d'imposer des demandes séparées.

8) Bail commercial: Charge des travaux d'entretien et de réparation de toiture en l'absence de clause expresse:


Cour de cassation chambre civile 3, mardi 21 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-25760

En l'absence d'une clause expresse mettant à la charge du Preneur les travaux d'entretien et de réfection de la toiture, ces travaux incombent au Bailleur.
Selon la Cour d'Appel, le fonds de commerce est devenu inexploitable et a été fermé par arrêté municipal non seulement en raison de l'effondrement d'une partie de la toiture, mais aussi en raison de manquement à des obligations de sécurité, que la disparition du fonds trouve également son origine dans la renonciation du liquidateur à se prévaloir du bail du fait de la liquidation judiciaire et que la perte du fonds de commerce n'apparaît pas imputable au bailleur
Cependant la Cour de Cassation affirme qu'en statuant ainsi, sans rechercher si une stipulation expresse du contrat de bail commercial mettait à la charge de la locataire les travaux d'entretien et de réparation de la toiture, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

9) Intermédiaire, loi Hoguet et carte professionnelle:

Cour d'appel de PARIS Pôle 2 Chambre 2, 10 janvier 2014. No RG 12/19476

Si l'intermédiaire, n'est pas détendeur de la carte professionnelle, le mandat est nul, et l'intermédiaire n'a droit à aucune rémunération.

Nouvelle illustration jurisprudentielle:

Considérant qu'aux termes des dispositions combinées des articles 1 et 3 de la loi du 2 janvier 1970 dite loi HOGUET, les personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui relatives, notamment, à l'achat, la vente, la location ou la sous-location d'immeubles bâtis, doivent être titulaires d'une carte professionnelle précisant les opérations qu'elles peuvent accomplir ; qu'à défaut, le mandat qui leur a été donné est nul et de nul effet et qu'elles ne peuvent réclamer la rémunération qui y est convenue, même si la mission confiée a été exécutée ;

Considérant qu'en l'espèce, la mission confiée par la société SEGECE à M. X... comporte, outre une mission d'assistance à la commercialisation sous la forme d'une participation à l'élaboration du programme de marchandisage et à la mise en place des grilles de loyers, une mission d'entremise dans la conclusion des baux commerciaux, puisqu'il lui est demandé de recruter des clients, de les dénoncer à la société SEGECE avec indication des surfaces et des conditions locatives acceptées et d'assister à la négociation des conditions particulières ; que la rémunération de M. X... est d'ailleurs calculée sur le montant des loyers prévus dans les baux commerciaux conclus avec son concours, au fur et à mesure de leur signature, ce qui démontre que son assistance au démarchage des clients et à la négociation des contrats constituent bien un élément essentiel de sa mission ; que M. X... prêtant ainsi son concours à des opérations d'entremise immobilière, le contrat conclu entre bien dans les prévisions de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 et ne pouvait être confié qu'à une personne détentrice de la carte professionnelle, peu important que M. X... n'ait pas été amené effectivement, par la suite, à agir en qualité d'intermédiaire entre le bailleur et les futurs locataires, en raison des difficultés opposant précisément aujourd'hui les parties quant à l'exécution du contrat

Qu'il n'est pas contesté que M. X... ne disposait pas de la carte professionnelle d'agent immobilier à la date du contrat et que le tribunal a justement considéré, au regard de l'importance de la mission confiée à l'intéressé dans le cadre de l'opération de commercialisation de la Gare Saint-Lazare, impliquant son intervention en vue de la négociation de nombreux baux immobiliers, que la condition d'exercice habituel de l'activité était remplie ;

Considérant que c'est en vain que M. X... prétend que la société SEGECE, dès lors qu'elle était titulaire de la carte professionnelle, pouvait lui confier une mission d'entremise, même s'il n'était pas titulaire de cette carte ; qu'il ne peut en effet se prévaloir des dispositions de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 modifiées par la loi nº2006-872 du 13 juillet 2006 permettant aux collaborateurs non salariés des agents immobiliers d'exercer sous le statut d'agent commercial, les dispositions nouvelles ne s'appliquant qu'aux contrats en cours,

et M. X... ne justifiant pas au demeurant de son inscription en qualité d'agent commercial dans le délai de neuf mois de l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'en application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 dans sa version applicable aux faits, il lui appartient de justifier de son habilitation pour exercer l'activité d'entremise immobilière par la production d'une attestation délivrée par le titulaire de la carte professionnelle et visée par le préfet, ce qu'il ne fait pas en l'espèce ;

Considérant qu'il convient en conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre à l'argumentation développée de manière superfétatoire par la société SEGECE sur l'absence d'enregistrement et de numérotation du mandat, de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a retenu que le contrat confié par la société SEGECE à M. X... était nul et que ce dernier ne pouvait prétendre à aucune rémunération à ce titre ;


VII / DROIT DE LA FAMILLE, SUCCESSIONS, DROIT DES PERSONNES

1) Indivision entre héritiers et un tiers: Demande d'attribution préférentielle irrecevable.

Cour de cassation chambre civile, 15 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-25322 12-26460

La Cour de Cassation déclare le pourvoi irrecevable estimant qu'il résulte des dispositions des articles 832 et suivants du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, applicable au litige, qu'un local servant d'habitation ne peut faire l'objet d'une attribution préférentielle lorsque ce bien appartient indivisément aux héritiers et à un tiers.


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