Notre actualité juridique:                                      Lettre n° 4 /2008

 

I/ DROIT BANCAIRE*

1) Complicité d'exercice illégal de la profession de banquier

Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-85.054, F-P+F


Malgré la nature d'infraction d'habitude de l'exercice illégal de la profession de banquier, il suffit d'apporter son aide à une seule opération illicite pour pouvoir être condamné.

Un individu a été poursuivi du chef de complicité du délit d'exercice illégal de la profession de banquier pour avoir transféré des fonds au crédit d'un compte ouvert dans une banque américaine au nom d'un bureau de change colombien. Il était en réalité venu en aide à une personne qui rapatriait ainsi régulièrement des fonds appartenant à des ressortissants colombiens travaillant de manière dissimulée en France. 

Condamné à sept mois d'emprisonnement avec sursis, il a contesté la qualification retenue en expliquant que la complicité est dépendante de l'infraction principale et que, lorsque celle-ci est une infraction d'habitude, constituée par la commission de plusieurs actes répréhensibles, le complice d'une infraction ne peut être condamné que s'il a participé à la commission d'au moins deux actes illicites.

La chambre criminelle écarte cependant l'argumentation développée : "pour être punissable, la complicité d'une infraction d'habitude n'exige pas l'aide ou l'assistance du prévenu, à au moins deux actes de l'infraction principale". 

II/ DROIT IMMOBILIER*

1) Notification au Préfet de l'assignation en résiliation du bail d'habitation:

CC 3e civ., 16 avril 2008, n° 07-12.264, Cassation partielle sans renvoi

L'assignation en vue de la résiliation du bail d'habitation motivée par une dette locative doit être notifiée au Préfet.

2)Etat de l'installation intérieure d'électricité: publication du décret d'application

Décret n° 2008-384, 22 avr. 2008, JO 24 avril.


Le décret d'application du " diagnostic électricité " a été publié au Journal officiel du 24 avril 2008.

"En cas de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation, un état de l'installation intérieure d'électricité, lorsque cette installation a été réalisée depuis plus de quinze ans, est produit en vue d'évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 " (CCH, art. L. 134-7).

Le décret n° 2008-384 du 22 avril 2008 précise les modalités d'application de cette disposition aux articles R. 134-10 à R. 134-13 nouveaux du Code de la construction et de l'habitation, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2009.

Le diagnostiqueur certifié procèdera à l'examen des "parties privatives des locaux à usage d'habitation et leurs dépendances, en aval de l'appareil général de commande et de protection de l'installation électrique propre à chaque logement, jusqu'aux bornes d'alimentation ou jusqu'aux socles des prises de courant. L'état de l'installation intérieure d'électricité (portera) également sur l'adéquation des équipements fixes aux caractéristiques du réseau et sur les conditions de leur installation au regard des exigences de sécurité " (CCH, art. L. 134-10).

L'article 3 du présent décret indique par ailleurs qu'"un diagnostic, réalisé avant l'entrée en vigueur du présent décret dans le cadre d'opérations organisées par des distributeurs d'électricité et dont la liste est définie par arrêté du ministre chargé de l'Energie, est réputé équivalent à l'état de l'installation intérieure d'électricité prévu à l'article R. 134-11, s'il a été réalisé depuis moins de trois ans à la date à laquelle ce document doit être produit".

3) Environnement:  Une société mère n'est pas tenue des dettes environnementales de sa filiale

Cass., com., 26 mars 2008, 07-11.619


Dans un arrêt du 26 mars 2008, la Cour de cassation a jugé qu'une société mère n'était pas tenue de financer sa filiale pour lui permettre de remplir ses obligations de remise en état, même si cette dernière était chargée d'un service public.

Article L.512-7 du Code de l'environnement: Cet article impose à la dernière personne physique ou morale qui avait en charge l'exploitation de placer son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code et qu'il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation mise à l'arrêt.

Après avoir procédé aux deux premières phases de travaux, la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

L'ADEME, chargée par l'Etat de procéder à la troisième phase des travaux de réhabilitation pour suppléer la défaillance de la société poursuivait en réparation la société ELF en tant que société mère. 

Or, le droit français reconnaît classiquement l'autonomie des personnes morales et l'écran de la personnalité morale. En conséquence, une société mère n'est pas tenue des dettes de sa filiale sauf en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou immixtion dans la gestion de sa filiale.

Ce principe est également applicable aux dettes correspondant aux frais de dépollution comme a pu le juger la Cour de cassation dans son arrêt de principe, Metaleurop, n°05-10-094, du 19 avril 2005. 

Fidèle à sa position, la Cour de cassation juge qu'aucune faute n'ayant été commise par la société mère dans la gestion de sa filiale, c'était à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'une société mère n'est pas tenue de financer sa filiale pour lui permettre de remplir ses obligations même si celle-ci est chargée d'un service public pouvant présenter un risque pour l'intérêt général.

4) Investissement immobilier locatif réalisé par une SCI:

Res. n° 2008/7, 22 avr. 2008

La procédure de répression des abus de droit peut-elle être engagée contre une SCI qui acquiert un immeuble d'habitation en vue de le louer à ses associés personnes physiques ?

Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (CGI, art. 15, II). En contrepartie, aucune charge afférente à ces biens ne peut être déduite.

Un propriétaire se réserve la jouissance d'un logement, non seulement lorsqu'il l'occupe personnellement, mais également lorsqu'il le laisse gratuitement à la disposition d'un tiers sans y être tenu par un contrat de location. Le fait, pour une SCI, de mettre gratuitement à la disposition de ses associés des logements dont elle est propriétaire, s'analyse en une réserve de jouissance au profit de la personne morale.

L'administration fiscale et le Conseil d'Etat considèrent que le fait, pour une SCI, de détenir un immeuble puis de conclure un contrat de bail avec la société en vue de faire échec aux dispositions de l'article 15, II du CGI constitue un abus de droit.

Ainsi, l'Administration peut être fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit (LPF, art. L. 64) dans des situations où une SCI est constituée par des personnes physiques en vue d'acquérir un immeuble d'habitation pour le louer à ces personnes.

En effet, dans cette situation, les associés peuvent imputer des déficits fonciers sur leur revenu global ou sur des revenus fonciers provenant de la location d'autres immeubles, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 15, II du CGI. La détention directe du logement par les personnes physiques ou la mise à disposition gratuite du bien à ses associés par la SCI n'aurait pas permis la déduction des charges foncières afférentes à l'immeuble.

5) indemnité d'éviction: délégation de paiement imparfaite entre vendeur et acheteur:

Cass. 3e civ., 5 mars 2008, nos 06-19.237 et 06-20.223, P+B


S'analyse en une délégation imparfaite de paiement, la clause par laquelle un établissement transmet à une société la charge du paiement de l'indemnité d'éviction due à un tiers, clause qui autorise le preneur à réclamer le paiement de l'indemnité qui y était visée à la société, acquéreur de l'immeuble, sans être tenu de s'adresser au vendeur et sans que puisse lui être opposé l'effet relatif des conventions.

Par l'effet de la délégation, qu'elle soit parfaite ou imparfaite, le délégataire devient créancier du délégué à l'égard duquel il dispose d'un droit de poursuite. Dans l'hypothèse d'une délégation imparfaite, cette créance s'ajoute à celle dont il dispose contre le délégant. Le délégataire qui n'est pas partie au contrat de délégation conclu entre le délégant et le délégué, peut, une fois qu'il l'a accepté, invoquer cet engagement. Le délégué ne peut alors lui opposer l'effet relatif des conventions pour s'opposer à l'exécution de la délégation. C'est ce que vient de rappeler la Cour de cassation.

6) Recours des tiers et caducité de la promesse de vente d'immeuble:

Tribunal de Grande Instance de Paris, 19 décembre 2007  (n.ref: 064385)

La société AVIVA ASSURANCES propriétaire de divers biens et droits immobiliers  a consenti le 8 juillet 2002 à une société  une promesse unilatérale de vente portant sur un ensemble de lots dont certains étaient soumis au régime des baux d'habitation.

La promesse contenait une condition suspensive:

"que ne soit exercé aucun droit de préemption de quelque nature qu'il soit, ou en cas d'existence d'un tel droit, qu'il soit obtenu la renonciation à ce droit."

Le délai de réalisation de la promesse expirait le 12 octobre 2002.

Un contentieux est né entre AVIVA et un locataire sur la validité du droit de préemption exerçait par le preneur.

Par acte du 5 juin 2003 la société bénéficiaire de la promesse fait l'acquisition de l'ensemble des lots à l'exclusion de ceux faisant l'objet de l'exercice du droit de préemption soumis à contestation.

A l'issue d'une procédure, la société AVIVA obtient du locataire la renonciation à son droit de préemption, et ce dernier libère les lieux le 28 novembre 2005.

La société bénéficiaire de la promesse fait alors valoir qu'elle désire acquérir les lots concernés au prix mentionné dans la promesse du 8 juillet 2002, elle consigne la somme  et assigne AVIVA ASSURANCES pour se voir reconnaître le bénéfice de cette vente.

La société AVIVA s'y oppose car selon elle si vente il y a, elle doit avoir lieu au prix du marché et ce d'autant plus qu'entre temps l'appartement a été libéré.

Le bénéficiaire de la promesse assigne la société AVIVA devant le tribunal.

Par jugement rendu le 19 décembre 2007 le Tribunal de Grande Instance de Paris déboute la demanderesse au motif:

- que la promesse de vente est caduque
- que le prix des lots prévu à la promesse de 2002 ne correspond plus à la valeur des mêmes lots en 2005 et que la promesse ne contenait ni clause de révision du prix ni clause d'indexation;

(Le bénéficiaire de la promesse a interjeté appel... à suivre...)

IV/ VOIES* D'EXECUTION ET MESURES CONSERVATOIRES

1)      saisie immobilière, sursis à la vente en raison d'une action en responsabilité engagée contre la Banque (non):

Jugement d'orientation JEX VERSAILLES 07 mai 2008  AFF: CRCAM IDF / ESENDERE (n.ref: 023357)

Un établissement bancaire poursuit un débiteur en saisie immobilière.

Parallèlement le débiteur a assigné la Banque en responsabilité.

Lors de l'audience d'orientation le débiteur sollicite que la vente soit suspendue jusqu'à l'issue de la procédure en responsabilité.

Le Juge de l'exécution chargé du service des saisie immobilières, rejette cette demande au motif que la poursuite de la Banque se fonde sur un titre notarié, et que l'action en responsabilité engagée par le débiteur a un fondement purement indemnitaire qui ne remet nullement en cause la validité de ce titre.

Cette décision s'inscrit dans un courant jurisprudentiel déjà bien établi sous l'empire de l'ancienne législation sur la saisie immobilière.

2)      saisie des indemnités de licenciement:

CAP paris arrêt 10 avril 2008 (n.ref: 002877 VICTOIRE IMMO 1./V.)

La Cour d'Appel de PARIS  confirme un jugement rendu par le JEX Paris le 06 février 2007 et rejette l'appel interjeté par Mr V.

Au visa de l'article 55 du décret du 31 juillet 1992, la Cour valide la saisie pratiquée par la société VICTOIRE IMMO 1 entre les mains d'un tiers, ancien employeur de Mr V., sur les indemnités de licenciement  due à ce dernier;

La Cour a jugé que ne relève pas de la forme d'une rémunération (et donc de la procédure de saisie arrêt sur salaires), la prime d'intéressement aux résultats de l'entreprise, les sommes allouées à titre de dommages intérêts lesquels ne constituent pas des rémunérations du travail et ne sont pas soumises à la procédure de saisie des rémunérations.

La Cour rappelle en outre que la saisie pratiquée a eu pour effet en vertu de l'effet d'attribution immédiat de la créance saisie au profit du saisissant énoncé par l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 de transmettre à la société VICTOIRE IMMO1 la propriété des fonds à concurrence du montant de sa créance.

Rappel du régime juridique des indemnités de licenciement:

  •  
    • des indemnités de licenciement, qui ne constituent pas la contrepartie d'un travail fourni et n'ont pas la nature juridique d'un salaire (Jurisprudence constante Cass. Soc. 9 mars 1957 et Rép. Min. : JOAN Q, 29 octobre 1984, 4791
    • des l'indemnités allouées en raison de la rupture abusive d'un contrat de travail. Il est admis que ces indemnités ayant la nature de dommages et intérêts compensent le préjudice subi par le salarié et sont donc saisissables (T. Civ. Rennes 15 mai 1951).
    • des sommes versées au titre de l'intéressement aux résultat de l'entreprise, dans la mesure où elles ne sont pas prises en considération pour l'application de la législation du travail et de la sécurité sociale (Ordonnance du 21 décembre 1986, article 4 et 14- II, al.2).

      Il est établi également que ne relève pas de la forme d'une rémunération la prime d'intéressement aux résultats de l'entreprise (Rép. Min. n°8453 JOAN Q, 23 mai 1994, 1639 et Cir. Min. du 3 janvier 1992 : JO, 31 janvier).

VI/ DROIT DES GARANTIES* ET SURETES:

1) caution réelle et/ou personnelle: Cass. com., 4 mars 2008, n° 06-15.366, D

Lorsqu'une caution apporte un bien en garantie de la dette d'un tiers, les juges doivent rechercher si, en outre, elle n'a pas voulu se porter caution personnelle de ces dettes.

Tout en se portant caution réelle des dettes d'une société, le garant peut également vouloir se constituer caution personnelle des mêmes dettes.

 En sa qualité de " caution réelle ", le garant inscrit sur l'un de ses biens " une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas " (Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.210, Bull. civ. ch. mixte, n° 7).

Mais rien ne l'empêche de se porter également caution personnelle et d'engager l'ensemble de son patrimoine en garantie. Aux juges alors d'interpréter les clauses, pour déterminer si les parties ont souhaité conclure un cautionnement hypothécaire et/ou personnel (v. en ce sens,  Cass. com., 21 mars 2006, n° 05-12.864, Bull. civ. IV, n° 72).

La Cour de cassation censure les juges du fond pour défaut de motivation. Car " en se déterminant sans rechercher si (les cautions), tout en constituant l'un de leurs biens en garantie des dettes de la société n'avaient pas, en outre, voulu se porter cautions personnelles de ces dettes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ".

VII / DROIT DE LA FAMILLE*

1) Divorce sur demande acceptée : date du caractère exécutoire

Cass. 1re civ., 19 mars 2008, n° 06-21.250, P+B


Lorsqu'un divorce est prononcé sur demande acceptée des époux, le divorce devient exécutoire au jour où le jugement le prononçant acquiert force de chose jugée, et non au jour où l'ordonnance constatant le double aveu a été rendue.

Cette solution ne vaut que pour les contentieux jugés avant le 15 septembre 1989, date d'entrée en vigueur de l'article 528-1 du Code de procédure civile, introduit par le décret n° 89-511 du 20 juillet 1989 (JO 25 juillet) et pour ceux qui ne répondent pas aux conditions d'application de ce texte.

2) Assignation en divorce, il faut préalablement notifier l'Ordonnance de Non Conciliation qui autorise le demandeur à assigner:

 TGI VERSAILLES  JAF ordonnance du 06 mai 2008 (n.ref: Mad. C/son mari: 054159)

  Vus les articles 1111 cpc, 503 cpc, 114 cpc

Doit être annulée l'assignation en divorce signifiée sans que l'Ordonnance de Non Conciliation ayant autorisé le demandeur à assigner n'ait elle-même été signifiée.

Le juge retient que cette nullité fait grief à la défenderesse car le défaut de signification de l'ONC ne fait pas courir le délai d'appel et laisse planer un doute quant aux intentions du mari sur le recours possible en appel à l'encontre de cette ordonnance.


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